SCENE I
Le personnage principal arrive sur la petite scénette en la parcourant de long en large, faisant des gestes incohérents, se méfiant de tout, scrutant les environs, il met un doigt devant sa bouche pour faire comprendre aux spectateurs qu’il ne faut pas faire de bruit.
SCENE II
Timidement, chuchotant, il s’adresse au public :
– « Eh oui, c’est moi le comédien ».
Il s’arrête, jette un œil vers les loges et reprend en hurlant :
– « c’est moi qui lance la voix et qui se trouve sur la scène devant vous ».
Puis, il se jette à genoux devant le public, sa main droite posée sur le cœur et ajoute :
– « Et oui, c’est moi le comédien… Pour vous servir ».
SCENE III
Il se relève et reprend :
– « Et oui, c’est moi le comédien ».
Puis, il tape du pied sur les planches et dit :
– « Mais, qu’est ce qu’il y a, vous ne m’avez pas reconnu ? ».
Après un court moment de silence, il insiste :
– « Ben oui ! C’est bien moi le comédien ! Eclairé de mille feux par toutes ces bougies ! ».
Il montre du doigt :
– « Tenez, vous, là-bas ! Oui, vous, vous m’avez reconnu ? Non ! ».
Il cherche encore à se rassurer, montre une autre personne et s’exclame :
– « Bon, alors vous, vous m’avez reconnu ? Mais dites-le que vous m’avez reconnu ! ».
SCENE IV
N’ayant aucune réponse, il s’interroge toujours et se met dans tous ses états en oubliant de faire attention à son environnement et ne pense plus qu’à convaincre le public qu’il est bien le comédien :
– « Et oui, c’est moi le comédien…. Vous me prenez peut-être pour un fou ? Pourtant je ne suis pas le fou du roi ! Ni le fou de personne ! Juste un comédien retaillé un peu par son costume, à la limite un peu bouffon sur les bords ».
SCENE V
Il continu à enchaîner et persiste :
– « Et oui, je vous assure, c’est bien moi le comédien…. Et, c’est vous qui avez bien gloussé de moi et de mes sornettes pendant toute la séance ? Qu’est-ce qu’il y a, elles ne vous plaisent pas, mes histoires ! Mais dites-le que ça ne vous a pas plu ! Vous, messieurs les nobles, qui avaient payés pour avoir une bonne place, pour être aux premières loges et pour vous moquer de tous mes éloges, dites-moi que ça ne vous a pas plu. Pourtant, je pense, que vous en avez eu pour votre cassette ! ».
SCENE VI
Puis, il fait quelques pas sur la scénette en murmurant :
– « Elles sont pourtant bien mes anecdotes ! ».
Il s’arrête d’un coup, il lève la voix à nouveau :
– « Elles sont bien mes anecdotes ! Ce ne sont pas des craques, je les ai écrites d’un coup de plume sur des parchemins ».
Tout à coup, il se retourne et se met à hurler :
– « Mes parchemins, où sont-ils, mes parchemins, qui a piqué mes parchemins ? Que j’avais posé là sur la table ? Qui s’est amusé à les cacher ? Rendez-moi mes parchemins, tout de suite ! ».
Et là, il retape du pied sur le planché, se roule par terre comme un enfant fait son caprice à qui on a retiré son jouet :
– « Je veux mes parchemins ! Au voleur, mon seigneur ! Quel malheur ! je n’ai plus d’acte ou de scène à jouer sans mes histoires ».
SCENE VII
Il reprend et s’adresse au public :
– « Où sont mes histoires ? Mais quelle histoire ! Qui a bien pu piquer mes histoires ? ».
Il continue en enchaînant des gestes pour désigner les éventuels coupables :
– « C’est vous ? Ou alors Vous là haut ? Ou bien vous ? Bon, alors c’est vous, j’ai décidé que vous étiez le coupable . Sortez ! ».
Il montre du bout de son épée la sortie et reprend :
– « Sortez ! Sortez tout de suite ! J’attends ! D’ailleurs, tout le monde attend ! Allez, sortez ! La comédie a assez durée ».
Un instant de silence et il continu :
– « Ok, si c’est pas vous, c’est lui. Oui, oui, oui, en fait, c’est tous les deux ! Vous êtes son complice ! Je vous ai condamné ! Messieurs les chevaliers, faites-les sortir. Qu’ils sortent ! ».
Il s’arrête pour un cours instant et hausse la voix à nouveau :
– « Allez, qu’ils sortent ! Ou alors, c’est moi…. Quoi, vous ne voulez pas que je parte ? ».
SCENE VIII
L’acteur se trouve au milieu de la scénette et enchaîne :
– « Et bien oui, vous me reconnaissez maintenant, c’est bien moi le comédien. Mais le temps qui m’était imparti est expiré. Déçu ou pas, je dois m’en aller. Et pour le rappel, cette fois-ci, vous pouvez le mettre aux oubliettes, j’ai garé mon carrosse à l’entrée des artistes et je ne voudrais pas me prendre une amende car je n’ai pas mis de supplément dans le parcmètres.
Mais avant de démonter le décor, ranger les accessoires et les toges dans leur malle, je vous promets de revenir prochainement avec l’atelier Baladins pour vous présenter d’autres pièces ».
Il souffle sur les bougies pour éteindre la scénette et sort.
Frédéric Deslandes